Cher_amour_poche.gifDes neiges éternelles aux forêts tropicales du Cambodge en passant par la force tranquille de la Jeanne D’Arc, Bernard Giraudeau nous étouffe de son talent de conteur.

Car il faut en avoir du talent pour nous faire croire à ce qui n’a pas existé, à ces histoires sans fin qu’il termine quand même et auxquelles on a envie de croire. Bernard Giraudeau nous prive d’oxygène dans la Cordillière des Andes, au milieu des neiges immaculées ou sommeillent des massacres d’Indiens par les Espagnols, à moins que ce ne soit l’inverse.

Bernard Giraudeau est un voyageur, un voyeur aussi, avec un œil et surtout un cœur. Il écrit ce qu’il voit, ou ce qu’il devine. Il décrit aussi ce qu’il aimerait ne pas voir. Parfaitement conscient du privilège d’être né Français, Yankee comme on l’appelle sur tous les continents, il garde un œil ouvert sur la planète des miséreux. Là, les enfants vivent dans les poubelles, ici les très jeunes filles sont offertes pour quelques dollars, là cet homme digne et gentil à l’infini est le dernier rescapé d'une famille anéantie par le boucher Pol Pot. Par l’An Zéro. Rescapé du néant.

Cher amour est à embrasser la nuit. On voit mieux les montagnes et les fleuves. On entend plus distinctement les rires s’envoler et les larmes tomber. Si certains avaient encore un doute sur le talent d’écrivain de Bernard Giraudeau -encore un acteur qui se prend pour un écrivain- le camouflet est pour eux, le gant est jeté. On sort de ce roman ivre d’odeurs puissantes et d’images fortes et avec une seule idée : prendre un billet pour le prochain tour du monde avec Bernard Giraudeau.

Cher amour
Bernard Giraudeau
Points Seuil
Mai 2010.