Pierre_Mazeaud__l__insoumis_.gifAlors que Pierre Mazeaud et Olivier Guillaumont travaillaient ensemble sur cette biographie Pierre Mazeaud n’a cessé de dire que cela n’intéresserait personne. Cela eut été dommage car le personnage – et son caractère- font parti de l’Histoire de la Ve République.

En effet, l’homme est entier. En droit, en politique, en amitié, en santé qu’il a de fer. Entier sauf devant la montagne, sa passion avant tout, son refuge personnel, son oxygène après les heures passées dans les bureaux de l’Assemblée nationale, les cabinets ministériels ou les circonscriptions électorales.

Le droit d’abord
Issu d’une famille de juriste, spécialiste du droit romain, auquel il consacrera sa thèse, il intégrera le cabinet de Michel Debré en tant que spécialiste des questions judiciaires et gravira tout les échelons de la hiérarchie judiciaires jusqu’à être nommé président du Conseil Constitutionnel par Jacques Chirac le 28 février 2004 et le restera jusqu’en 2007. Jacques Chirac pensait que son devoir de réserve le pousserait au silence… Pierre Mazeaud ne se privera pas de dire ce qu’il pense.

Alors que Jacques Chirac lui promet la présidence de la commission de codification, Jacques Chirac le flatte en le comparant à Portalis…. Pierre Mazeaud répond au chef de l’État « Je ne suis pas sur que tu saches exactement qui était Portalis ». Entier !
Pierre Mazeaud a une force de conviction peu commune et dira toujours ce qu’il pense, a fortiori à ses amis politiques. Était-il un anarchiste de droite, un gaulliste de gauche ?
Seul de Gaulle l’impressionnera un lendemain d’élection. Le Général lui passe une soufflante sur les mauvais résultats qu’il aurait obtenu dans son département. Pierre Mazeaud- qui avait traversé la France en voiture pour recevoir des félicitations – n’osera pas répondre au Commandeur alors que l’engueulade n’était pas pour lui !

La Montagne Sainte-Victoire
Premier français à atteindre le sommet de l’Everest le 15 octobre 1978 en compagnie de Jean Affannassief et Nicolas Jaeger et cinq autres hommes. L’exploit fera des jaloux et des commentaires hallucinants sur la « facilité » de l’escalade. La palme de la mauvaise foi revenant à Robert Escarpit, journaliste au Monde, qui à la Une du journal du soir daté du 17 octobre 1978 écrit Certes, l’expédition n’est pas encore à la portée de n’importe qui, mais maintenant que la France a envoyé un ancien ministre en personne planter son drapeau sur la cime naguère inaccessible, on peut craindre qu’il n’y ait foule au pinacle.
Cette victoire sur la plus haut montagne du monde n’arrangera pas sa rivalité avec Maurice Herzog. Celui-ci ne digèrera jamais que cette première française sur l’Everest efface (1) "son" Annapurna !

Je ne suis pas fait pour fermer ma gueule, j’ai un caractère odieux disait Pierre Mazeaud. On ne voit malheureusement pas très bien qui aujourd’hui pourrait lui succéder comme infatigable grognard de la République…

Anar de droite, grande gueule et grand cœur, infatigable adversaire des idées d’extrème-droite et du FN en particulier, l’humble serviteur de la montagne et des montagnards s’est retiré sur sa montagne. Olivier Guillaumont lui offre une magnifique biographie qui intéressera beaucoup plus de monde que ne le pense Pierre Mazeaud.

(1) Catherine Nay.

Pierre Mazeaud l’insoumis
Olivier Guillaumont
Ed. Guérin
324p. 200 photos
56€, mai 2012.