À seulement 37 ans et pour un deuxième roman l'américain Patrick De Witt s'est offert une sélection au "Man Booker Prize 2012" avec ce roman épique et déglingué. Renouant avec le mythe du Far West et de la ruée vers l'or il nous entraine à la poursuite des redoutés frères, Eli et Charlie, Sisters.
Pistoleros de sinistre réputation à la solde du "Commodore" ils quittent l'Oregon pour la Californie avec le nom d'un chercheur d'or à flinguer. Un long voyage à la vitesse d'un cheval au pas où nos deux frangins imbibés d'eau de vie et de violence, traverseront les trajectoires alambiquées d'enfants meurtriers, de palefreniers idiots, d'indiens avares ou des prostituées rancunières.
Renouant avec le souffle des grandes aventures du western De Witt tricote des scènes flamboyantes ou oniriques mais aussi des monologues introspectifs sur l'amour filial, l'accomplissement de soi ou la sidération de l'homme face à l'écroulement d'un monde en putréfaction. On ne peut s'empêcher de voir défiler des images en technicolor sous le patronage de John Ford mais aussi la sourde litanie de la mort, de la folie et de la misère comme elle peut ramper chez Steinbeck ou Dos Passos.
Sombre, ironique, décalé ou excentrique ce roman au titre génial ("The Sisters brothers" en VO) plein de violence bruyante et d'amour silencieux vous entraine sur les rives d'une rivière misérable et noire où des hommes éreintés tentent d'arracher à l'onde des paillettes d'or sous le regard sarcastique des castors. Tout est mort mais la vie cogne de toutes parts dans ce roman jubilatoire d'une révélation de la rentrée.
Les frères Sisters
Patrick De Witt
Babel
368p., 8,70€
Mai 2014.
Article publié le 3 octobre 2012.