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LITTÉRATURE FRANÇAISE
21 Août 2014

Aux Jardins des Acacias de Marie-Claire BLAIS
Cadre rouge, 276 p.
Aux_Jardins_des_Acacias.jpg Pour ses 75 ans, la grande romancière canadienne écrit un magnifique hymne à la vie, dans un roman brillamment poétique. Petites-Cendres, travesti qui se produit tous les soirs au cabaret La Porte du Baiser, court le long de l'Océan Atlantique. Elle fait du jogging et pense de façon obsessionnelle aux Jardins des Acacias, un refuge médicalisé pour les malades du sida. Cela se passe dans un décor de rêve, sur une île tropicale et c'est le crépuscule, le soleil sombre. C'est le crépuscule de sa vie, car elle-même, Petites-Cendres, est contaminée. C'est aussi le crépuscule pour le vieil Adrien, poète de 90 ans, qui regarde la mer et pense à son poème "Rendre compte". Et pourtant, aux Jardins des Acacias, le Docteur Dieudonné et son assistante Lorraine veulent redonner vie à tous les malades. Notamment à Angel, un enfant accidentellement contaminé, que les lycées américains ont rejeté. Autour de la joggeuse, bien des ombres circulent. Celle de Daniel, le romancier qui écrit peut-être son dernier roman "Les étranges années" et pense à sa fille Mai, jeune étudiante qui découvre la violence de la vie. Celle de Fleur, le compositeur de génie, qui vient de rencontrer un personnage sulfureux, le prêtre pédophile Wrath, ancien médecin, porteur d'une sorte de mal métaphysique. Celle de Charles, grand écrivain disparu. Celle de Christophe, le serial killer devenu, sous une autre identité, comédien.
Celle de Bryan, le sympathique taxi-vélo qui recueille Lucia, vieille femme sénile qui a fui l'asile de vieillards où elle était maltraitée. Pendant les quelques heures où Petites Cendres court, elle reprend des forces et peut-être qu'aux Jardins des Acacias, ce n'est pas la tragédie qui attend tous ces personnages, mais une merveilleuse rédemption, dans une croisière en mer que tous projettent pour reprendre espoir.

Marie-Claire Blais, née en 1939, vit à Key West où elle situe sa série Soifs, publiée par Boréal au Canada et par le Seuil. Elle s'est fait connaître très jeune en publiant La Belle Bête à vingt ans, et obtient en 1966 le Prix Médicis pour Une saison dans la vie d'Emmanuel. Son oeuvre, constituée de romans, essais, poèmes, et couronnée de très nombreux prix la place au premier rang des écrivains mondiaux.



Un été en famille de Arnaud DELRUE (Premier roman)
Coll. Fictions et Cie, 144p.
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Dès le début de ce roman « familial », on sent que quelque chose cloche. Et l’on va de découverte en découverte, entraîné par le rythme des phrases et la parfaite construction du récit et du suspense. Claire, la soeur de Philippe, le narrateur, s’est suicidée. On l’enterre. Il y a la mère, la petite soeur lycéenne, Marie, et Paul, l’oncle, ami de Duval, le médecin installé avec sa famille dans une belle propriété au bord du lac. Bientôt la vie reprend ses droits. Ou semble les reprendre. Mais en fait, non. On ressent dès les premières pages un malaise, un non-dit. Quelle relation Philippe entretenait-il avec Claire ? De quelle maladie celle-ci était-elle atteinte ? Qui est réellement Marie ? L’étrangeté des situations grandit au fil de ce récit admirablement construit et entrecoupé de magnifiques descriptions des paysages français dans une traversée du territoire vers le sud et l’Espagne, en voiture, qui ressemble bientôt à une fuite sans espoir. Le drame qui frappe cette famille, le suicide d’une jeune femme, n’est pas le premier, ni le dernier. On plonge progressivement en eaux troubles. On cherche son souffle. On tourne les pages, avec fébrilité.

Arnaud Delrue est né en 1980, il a d’abord été photographe.

Viva de Patrice Deville
Coll. Fictions et Cie, 208p.

L’incroyable bouillonnement révolutionnaire qui anima le Mexique des années 1930, jusqu’à l’assassinat de Trotsky par les sicaires de Staline etcelui de Geoffrey Firmin, le héros de Malcolm Lowry, par les fascistes. Tous les idéaux et les cauchemars brassés sous un ciel lourd et aussi menaçant qu’un volcan. Viva.jpgEn brefs chapitres qui fourmillent d’anecdotes, de faits historiques et de rencontres ou de coïncidences, Patrick Deville peint la fresque de l’extraordinaire bouillonnement révolutionnaire dont le Mexique et quelques-unes de ses villes (la capitale, mais aussi Tampico ou Cuernavaca) seront le chaudron dans les années 1920 et surtout 1930. Les deux figures majeures du roman sont Trotsky, qui poursuit là-bas sa longue fuite et y organise la riposte aux procès de Moscou tout en fondant la IVe Internationale, et Malcolm Lowry, qui ébranle l’univers littéraire avec son vertigineux Au-dessous du volcan. Le second admire le premier : une révolution politique et mondiale, ça impressionne, forcément. Mais Trotsky est lui aussi un grand écrivain, qui aurait pu transformer le monde des lettres si une mission plus vaste ne l’avait pas requis. L’un finit assassiné d’un coup de piolet dans la tête, tandis que le héros de l’autre est abattu par les balles fascistes avant d’être jeté au fond d’une décharge…

Grand voyageur et esprit cosmopolite, Patrick Deville dirige la Maison des écrivains étrangers et traducteurs (MEET) de Saint-Nazaire et la revue du même nom. Né en 1957, il a publié cinq romans aux éditions de Minuit et six au Seuil, traduits dans une dizaine de langues.

Incident voyageurs de Dalibor Frioux
Cadre Rouge, 300p.
Incident_voyageurs.jpg L’enfer, tout passager d’un train de banlieue sait à quoi il pourrait ressembler : un wagon bondé, abandonné quelque part sur le réseau, après avoir vogué d’incident en incident. Coincés dans un tunnel du RER A, la ligne la plus chargée d’Europe, les deux mille voyageurs entassés n’ont tout d’abord pas voulu y croire. Ça ne durerait qu’une heure, qu’une matinée tout au plus. Les semaines, les mois passent, les années peut-être, car les montres aussi se sont arrêtées, sauf une que chacun trafique à sa guise. Dans ce huis clos, Anna, jolie mère célibataire, Vincent, cadre supérieur raffiné, et Kevin, entreprenant chômeur en fin de droits, se demandent comme tous les autres s’ils sont les derniers des oubliés, les uniques survivants d’une catastrophe ou les participants d’un stage de réinsertion, et ce qu’ils ont fait pour mériter cela.

Qu’être, que faire dans cette foule définitive ? Aux commandes de ce roman à trois voix, conte cruel de la surpopulation, de la promiscuité et de l’emploi que les hommes font les uns des autres, le lecteur savourera enfin tout le temps perdu dans les transports en commun.

Dalibor Frioux a 44 ans. Il est l’auteur d’un premier roman très remarqué, Brut (Seuil, 2011).

Pas pleurer de Lydie Salvayre
Cadre Rouge, 288p.
Pas_pleurer.jpg Deux voix entrelacées, celle, révoltée, de Georges Bernanos, témoin direct de la guerre civile espagnole, qui dénonce la terreur exercée par les nationaux avec la bénédiction de l’Église catholique contre les « mauvais pauvres ». Son pamphlet, Les Grands Cimetières sous la lune, fera bientôt scandale.
Celle, roborative, de Montse, mère de la narratrice et « mauvaise pauvre », qui, soixante-quinze ans après les événements, a tout gommé de sa mémoire, hormis les jours radieux de l’insurrection libertaire par laquelle s’ouvrit la guerre de 36 dans certaines régions d’Espagne, jours que l’adolescente qu’elle était vécut avec candeur et allégresse dans son village de haute Catalogne.

Lydie Salvayre a obtenu le prix Hermès du premier roman pour La Déclaration, le prix Novembre (aujourd'hui Décembre) pour La Compagnie des spectres et le prix François-Billetdoux pour BW. Ses livres sont traduits dans une vingtaine de langues. Certains ont fait l'objet d'adaptation théâtrales.

Terminus radieux de Antoine Volodine
Coll. Fictions et Cie, 624p.
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Taïga sombre et immense, steppes infinies… La scène se passe d’abord après l’irradiation complète de la Sibérie et l’écroulement de la Deuxième Union soviétique, puis des siècles plus tard. La région, dévastée par des accidents nucléaires, est à jamais inhabitable. Entourés de paysages grandioses, des soldats fantômes, des morts vivants et d’inquiétantes princesses s’obstinent à poursuivre le rêve soviétique. Désormais le centre du monde a un nom, Terminus radieux, un kolkhoze dont la pile atomique s’est enfoncée sous terre. Solovieï, le président du village, met ses pouvoirs surnaturels au service de son rêve de toute-puissance : vie et mort, amour éternel, renaissance. Assisté par l’immortelle Mémé Oudgoul, il règne en maître sur le destin des hommes et des femmes qui ont atterri là. Non loin du kolkhoze passe une voie ferrée où circule un unique convoi, toujours le même. Prisonniers et militaires cherchent en vain le camp où leur errance prendra fin. Mais, là encore, Solovieï ordonne l’histoire. Il leur faudra attendre des milliers d’années pour que s’éteigne sa présence dans leur cauchemar.

Né en 1949, Antoine Volodine a publié une trentaine de livres qui fondent le "post-exotisme", univers fictionnel caractérisé par l'onirisme politique et l'humour du désastre. Il a écrit plusieurs textes pour la radio (France Culture), et Des anges mineurs (1999) lui a valu deux prix littéraires.

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
21 août 2014

Fonds perdus de Thomas Pynchon (États-Unis)
Coll. Fictions et Cie, 464p.
Fonds_perdus.jpg L’action se déroule à New York, entre mars et septembre 2001, dans le moment d’accalmie entre l’éclatement spectaculaire de la bulle Internet et l’effondrement des tours jumelles. Maxine, femme new-yorkaise d’une quarantaine d’années, est une inspectrice des fraudes qui a perdu sa licence officielle pour avoir un peu trop bien conseillé un client véreux. Elle n’a pourtant pas remisé son pistolet, ni arrêté d’enquêter. La voilà embarquée malgré elle dans une aventure haletante et dangereuse : comment se fait-il que la start-up du très louche Gabriel Ice n’ait pas bu le bouillon alors que l’ensemble du marché du Net s’est brutalement dégonflé quelques mois auparavant ? D’où viennent les capitaux colossaux qui circulent sur les comptes en banque de Gabriel Ice ? Qu’a-t-elle réellement découvert dans les sous-sols de la villa du magnat du Web ? Maxine, aidée par une ribambelle de personnages décalés, va plonger dans le monde pas si virtuel d’Internet, le Web Profond, cette interzone quasi inaccessible, que seul un initié peut vous aider à pénétrer

Écrivain à l'anonymat obstiné depuis plus de cinquante ans, le mystérieux Thomas Pynchon signe une oeuvre prodigieusement inventive et foisonnante. Né en 1937, il est considéré comme l'un des plus grands noms de la littérature anglo-saxonne contemporaine. Ses romans décrivent une Amérique aussi tourmentée que déjantée.


Les réputations de Juan Gabriel Vásquez (Colombie)
Cadre Vert, 192p.
Les_reputations.jpg Javier Mallarino est un célèbre caricaturiste politique colombien et une légende vivante. Avec pour seules armes du papier et de l’encre de Chine, il peut faire tomber un magistrat, renverser un député ou abroger une loi. Beaucoup de politiciens le craignent, certains l’encensent. Il a soixante-cinq ans, est séparé de sa femme depuis plusieurs années et vit retiré dans les montagnes qui entourent Bogotá. À la fin du vibrant hommage que le pays vient de lui rendre au prestigieux théâtre Colón, une jeune femme l’approche et sollicite une interview. Il la reçoit quelques jours plus tard chez lui, mais très vite l’entretien le ramène vingt-huit années en arrière, à une soirée lointaine, à un « trou noir ». Qu’avait fait ce soir-là le député Adolfo Cuéllar et qu’avait vu exactement Javier Mallarino ? Deux questions qui conduisent le dessinateur à faire un douloureux examen de conscience et à reconsidérer sa place dans la société.

Juan Gabriel Vásquez est né à Bogotá en 1973. Il est l'auteur, entre autres, de quatre romans, dont Histoire secrète du Costaguana, qui a obtenu le prix Qwerty du meilleur roman en langue espagnole ainsi que le prix Fundación Libros y Letras de la meilleure œuvre de fiction, et Le Bruit des choses qui tombent, récompensés en 2011 par le prix Alfaguara. En 2012, Juan Gabriel Vásquez a reçu le prix Roger Caillois pour l’ensemble de son œuvre.


Nos disparus de Tim Gautreaux (États-Unis)
Cadre Vert, 544p.
Nos_disparus.jpg 1918. Sam Simoneaux, dont la famille a été massacrée quand il avait six mois, débarque en France le jour de l’Armistice. On l’envoie nettoyer les champs de bataille de l’Argonne. 1921. Rentré traumatisé à La Nouvelle-Orléans où il est devenu responsable d’étage aux grands magasins Krine, Sam ne peut empêcher l’enlèvement, quasiment sous ses yeux, de Lily Weller, trois ans et demi. Licencié, sommé par les parents Weller de retrouver leur enfant, il embarque comme troisième lieutenant à bord de l’Ambassador, bateau à aubes qui organise des excursions sur le Mississippi. Le roman longe le fleuve sur fond de musique de jazz – orchestre noir, orchestre blanc et alcool à volonté. Au gré des escales et des bagarres, Sam, toujours en quête de Lily, met au jour un fructueux commerce d’enfants animé par quelques spécimens peu reluisants de la pègre des bayous. Les vrais sujets de cette fresque naturaliste striée de noir restent les liens du sang, l’inanité de la vengeance et la transmission des valeurs.

Né en 1947 à Morgan City, en Louisiane où il vit toujours, Tim Gautreaux est le fils d'un capitaine de remorqueur. Professeur émérite d'anglais à la Southeastern Louisiana University, il est l'auteur de deux romans, dont Le Dernier Arbre (Seuil, 2013), et de nouvelles publiées par The Atlantic Monthly, GQ, Harper's Magazine et The New Yorker.


(Les résumés sont de l'éditeur).