Fouche.jpgUne biographie tient parfois à un coup de fil. En 2008, Emmanuel de Waresquiel en reçoit un d'une dame lui disant qu'elle tient à sa disposition des archives qui pourraient l'intéresser. Ce sont celles de Joseph Fouché (père) gardées d'abord par Joseph Fouché (fils) puis conservées depuis dans la famille de cette dame. Ces huit cartons de moleskine contiennent "des brochures, des lettres et des notes politiques, des proclamations, des papiers d'affaires et surtout deux choses : tous les comptes secrets de la police depuis la fin du Directoire jusqu'en 1806 et une bonne partie de la correspondance familiale de Fouché, à sa femme, à ses enfants" ! Le bonheur pour un historien a fortiori concernant un personnage qui a passé son temps à brûler ses archives, allant même jusqu'à faire disparaître son acte de naissance.

Emmanuel de Waresquiel n'aime pas Fouché. il le dit clairement (et souvent) mais laisser Talleyrand orphelin (à moins que ce ne soit l'inverse) eut été insupportable. l'un ne va pas sans l'autre. Barras a tout dit "Talleyrand est le Fouché de la Noblesse, Fouché est le Talleyrand de la canaille".

Alors Emmanuel de Waresquiel nous offre une grande biographie sur un homme qui a survécu à tout : à l'Ancien Régime, à la Révolution, à l'Empire, à Napoléon et qui avait le Faubourg Saint-Germain à ses pieds alors qu'il avait voté l'exécution de Louis XVI ! les qualités et les défauts de Fouché sont hors norme. Froid, cynique, organisateur hors pair, génie de la police et du renseignement. En province d'abord puis à Paris, en France, enfin dans toute l'Europe.

Il avait en commun avec Napoléon d'organiser tout ce qu'il dirigeait. Ce fut la Police mais aussi les coins les plus reculés de l'Empire comme les Provinces Illyriennes (Carynthie, Carniole, Istrie, Trentin, Croatie, Dalmatie et Dubrovnik) où Napoléon le nomme pour l'éloigner de Paris. Qu'importe ce prétexte, à peine arrivé, Fouché réorganise toutes les provinces et leurs administrations.

"La police (…) doit se faire sentir souvent sans se laisser voir, elle doit toujours veiller, toujours agir et presque jamais éclater : c'est la Providence des États". Fouché.

Après sa disgrâce en 1810, Napoléon dira de son ancien Ministre de la Police : "il avait ses défauts, mais c'est le seul homme d'État que j'ai eu". Cette biographie se lirait volontiers d'une seule traite (668 pages + 106 de notes) tant le personnage est fascinant et le style d'Emmanuel de Waresquiel vivant, porté par le souffle de l'une des plus grande période de l'Histoire de France.




Fouché, les silences de la pieuvre
Emmanuel de Waresquiel
Tallandier/Fayard
831p. 29,90€
Septembre 2014