Un petit territoire qui sait se montrer plus grand que les grands et c'est le cours de l'Histoire qui se trouble. Dès 1939, la république d'Haïti adoptait un décret-loi permettant à ses consulats de délivrer passeports et sauf-conduits et à l'état d'octroyer la naturalisation immédiate aux Juifs qui en faisaient la demande. Puis le pays déclarerait tout bonnement la guerre à l'Allemagne et à l'Italie deux ans plus tard. Et voilà planté le décor central de la saga du docteur Ruben Schwarzberg qui va nous faire traverser le siècle au travers de sa propre destinée, tragique et pourtant heureuse aussi, de la Pologne à Haïti en passant par Berlin et Paris, parsemée de rencontres qui sont autant de portraits incroyables.
Accueilli à Haïti, il en deviendra une haute figure. Normal, pour celui dont la destinée semble placée sous le signe d'un livre dès son enfance : l'essai du haïtien Anténor Firmin De l'égalité des races humaines (1885) dans lequel il apprend le français encore enfant. N'en dévoilons pas plus, les péripéties romanesques du bon docteur sont à savourer dans une langue riche et solaire, qui vient à point nommé nous rappeler quelle part d'humanité essentielle il y a à offrir un refuge. "Ici, tout le monde vient d'ailleurs. Les racines des uns se sont entremêlées à celles des autres pour devenir un seul et même tronc {…} à vouloir les dénouer, on risque le dessèchement du tronc tout entier." (p.200)
Avant que les ombres s'effacent
Louis-Philippe Dalembert
Sabine Wespieser Editeur
296p. 21€
Mars 2017
Billet publié le 30 mars 2017