RENTRÉE 2024 Kamel Daoud est un homme des Lumières, qui pense et écrit - en français - comme un philosophe des Lumières. C'est pourquoi, il ne comprend pas son pays, l'Algérie. L'Algérie est une prison, un cimetière pour les femmes, interdites de mouvement, de liberté, de téléphone, d'être femme, sauf dans la cuisine, à s'occuper des enfants et répondre aux besoins des barbus en rut.
En lisant Houris, on pense au Cri de Munch car ce roman est un chant funèbre, celui d'une femme égorgée en 1999, survivante de la décennie noire. Une période pendant laquelle des Algériens ont égorgé plus de 200 000 Algériens. Au nom d'Allah. Mais de ce génocide algéro-algérien, il ne faut parler, c'est interdit par la loi et sévèrement condamné. C'est pourquoi Kamel Daoud donne la parole à toutes les femmes violées, assassinées, égorgées comme des moutons un jour d'Aïd.
Son personnage principal Aube - l'égorgée survivante - souhaite avorter pour sauver sa fille de cet enfer sur Terre. Quasi muette depuis cette nuit du 31 décembre 1999 où on lui a fait un second sourire et tranché les cordes vocales, elle raconte à sa fille cette décennie d'horreur, les égorgement d'enfants, les faux barrages sur les routes pour égorger encore et encore, terroriser au nom d'Allah, violer au nom d'Allah. Elle raconte à sa fille qu'en 2005, grâce à un référendum, le pouvoir a décidé d'épargner les égorgeurs redescendus de leurs montagnes, qui croisent encore aujourd'hui, en toute impunité, les familles des égorgés, et continuent à diriger le pays et les mosquées.
Ce livre est une longue plainte de Kamel Daoud, d'un homme qui voudrait aimer son pays mais un pays qui a assassiné tant d'enfants, de femmes, d'hommes, laissé les islamistes du FIS insuffler la haine, la peur, la mort, partout. Houris est un chant funèbre, celui d'une idée : l'Algérie aurait pu exister mais la démocratie n'y a jamais existé, ses élites ont d'abord pillé les caisses de l'État avant que les assassins du FIs n'inondent le pays du sang des Algériens. Condamner la France tous les jours, oui ! Condamner les égorgeurs algériens du FIS, non ! La décennie noire n'a jamais existé, les 200 000 cadavres dépecés et enterrés à la va-vite, non plus.
Les femmes qui portent la vie, donnent la vie, qui devraient être l'avenir de ce pays, Daoud explique que naître femme en Algérie est un enfer de la naissance à la mort. Houris est le requiem de l'Algérie de Kamel Daoud. Mesdames, messieurs les jurés, le Goncourt !
Deuxième sélection du Prix Goncourt
Deuxième sélection du prix Renaudot
Deuxième sélection du prix Interallié
Première sélection du Grand Prix du Roman de l'Académie française
Houris
Kamel Daoud
Gallimard
Coll. Blanche
416p., 23€
Août 2024
À lire aussi, son interview dans la Revue des Deux Mondes (septembre 2024).