Après Guerre, Louis-Ferdinand Céline nous emmène outre-Manche, à Londres. C'est le livre de la peur, celle d'être renvoyé au front.
Si dans Guerre Ferdinand - une fois à l'infirmerie - est à l'abri de retourner sur le front, il peut déambuler dans la campagne et disserter peinture, à Londres la peur d'être renvoyé sur le front est partout.
C'est moche d'être né en 1893
La vie à Londres se passe dans un milieu de proxénètes, de prostituées, de filles de joies, ou la violence, pratiquée autant par des hommes que par des femmes, faites à ces jeunes femmes exploitées, est quotidienne. Avide au gain et toujours prêt à poignarder le premier venu pour un sou. Mais la mort n'est jamais loin, celle des souteneurs comme des celles des filles et des flics.
Céline utilise un langage encore plus populaire que dans Guerre, mélangeant le vocabulaire des militaires à celui des proxénètes et des prostituées des bas-fonds de Londres afin d'exprimer toute la misère du quotidien, la sienne, celle des autres. C'est aussi cela qu'il exprime ainsi "J'ai jamais voulu être ailleurs qu'au bord de l'âme après avoir reçu ses premières leçons de médecine de la part du médecin juif polonais Athanase Yugenbitz. Au bord du gouffre, au bord de l'âme, lorsque l'on revient d'entre les morts, la différence est ténue.
Tout ce qui m'arrivait me paraissait bien un énorme enchevêtrement de terreurs accumulées tout de même, à seulement vingt-deux ans
Mais, ce qu'exprime Céline, c'est surtout la terreur de chaque homme d'être renvoyé sur le front, cette terreur transpire un peu plus à chaque page, les bourres (les policiers) se rapprochent, plus présents, plus menaçants, Ferdinand et ses compagnons d'infortune se réfugiant dans une cave puis une autre, usant de subterfuges grossiers - ils mettent les papiers d'identité de l'un d'entre eux sur un cadavre pour faire croire à la mort du premier. Aucun ne veut retourner sur le front, à aucun prix.
Londres
Louis-Ferdinand Céline
Gallimard
576p. 24€
Octobre 2022