Parler avec autant de sincérité de la mort est rare. Déchirer son voile, montrer à tous nos morts, comment vivre ces morts les unes après les autres, c'est expliquer, simplement, que la mort fait partie de la vie. Ce que l'on n'oublie trop dans nos sociétés occidentales. C'est enfin, une façon de remercier ses morts pour ce qu'ils nous ont laissé à jamais.
Catherine déteste les cimetières, surtout celui de Montmartre où elle est obligée d'aller régulièrement car ses amis y sont souvent enterrés et nombre d'entre eux se prénomment Hervé. Elle déteste la mort et pourtant elle aime tenter de se suicider "spectaculairement", elle se remplit de ses morts, la mélancolie d'abord, le vide ensuite, et enfin la mort. Trop de mort tue la mort pour Catherine qui pourrait mourir de trop de ses morts. Le temps passe, ses amis Hervé meurent les uns après les autres - du sida, de suicide, du sida, d'accident, du sida, de torture ou assassinés - et toutes ses morts énervent la narratrice, le rythme s'accélère, ses tentatives de suicides aussi.
Entre "le mouvement de vivre" et le "devenir mort" Catherine balance, elle est la mère de tous ces morts, juge ses morts et leurs façons de mourir, pour les hommes, les femmes et les chiens. Qui dit mort dit cimetière, au Canada (recouvert d'herbe) ou en France (recouvert de granit), fleuris ou pas, et il a ceux qui en sont revenus ou qui y ont parlé, enfin des momie bien sur. Les Egyptiens savaient garder leurs morts. Dans Deuils Cannibales et mélancoliques Catherine Mavrikakis détaille, dans un texte dur et puissant, le syllogisme de la mort, de son ombre naissante à la disparition des souvenirs des défunts.
Deuils Cannibales et mélancoliques
Catherine Mavrikakis
Sabine Wespieser
210 pages, 19€
Mars 2020