logo.gifIl y a dix ans, l’expression GALLIGRASSEUIL - compression de Gallimard, Grasset et Le Seuil – était pertinente. Ces trois maisons d’éditions se partageaient les principaux prix littéraires français et les meilleures ventes. Aujourd’hui, qu’en est-il ?

La maison Gallimard est au sommet de sa forme avec les trois derniers Goncourt (1), trois prix Nobel sur les cinq dernières années (2) et de jeunes auteurs qui tiennent leurs promesses de talent et de chiffres d'affaire. Ainsi, Muriel Barbery et son Elégance du hérisson, sorti dans l’ombre des Bienveillantes de Jonathan Littell en août 2006, dépasse aujourd'hui largement le million d’exemplaires en France.

Grasset, dont le fond n'a rien a envié à celui de la maison Gallimard, n’a plus rien remporté de significatif depuis 2005 et le Goncourt de François Weyergans Trois jours chez ma mère, de plus, c’était pour éviter de le donner à Michel Houellebecq. Depuis, la maison de la rue des Saints-Pères se cherche et, malgré un budget communication impressionnant et la puissance du réseau Hachette Filippachi Média, n’a plus trouvé la connexion talents + ventes + prix littéraires. Ce n'est pas faute d'avoir publié de très bons romans ou des essais coups de poings (Patrick Rambaud sur Sarkozy, Ségolène Royal sur elle-même ou Dominique Fernandez sur son père), force est de constater que l'étincelle jaillit davantage rue Sébastien-Bottin que rue des Saints-Pères.

Avant son rachat par le groupe La Martinière en 2004, Le Seuil était une maison austère où le sérieux, la rigueur et la culture générale étaient les fondamentaux pour publier un livre de littérature, de psychanalyse ou de politique. Ce travail difficile était récompensé régulièrement par des prix, des ventes massives et une réputation de qualité. C’est sans doute pour toutes ces qualités que Catherine Millet y a publié sa vie sexuelle avec le succès colossal que l’on sait.... Plus sérieusement, depuis 2004, les mots "rentabilité", "profit" et "business" sont apparus en gros caractères dans les communiqués de presse du Seuil, reléguant au second plan le sérieux, la rigueur (sauf dans les comptes) et la culture générale qui, pourtant, n’ont pas disparu. Malheureusement, les bons romans du Seuil sont moins visibles aujourd'hui que les chiffres d'affaires ou les départs d'employés. Ainsi, des éditeurs et des auteurs, effrayés par ce nouveau langage, ont fondé leurs propres maisons d’éditions ou sont parti pour la concurrence.

La crise actuelle devrait donc profiter à Gallimard qui, fort de son indépendance actionnariale et de sa solidité financière (un sou est un sou chez Gallimard), pourra fêter son centenaire en 2011 dans son fauteuil de leader de l’édition française. Derrière, Grasset et Le Seuil devront se retrousser les manches pour revenir à sa hauteur et garder un oeil sur la concurrence des anciens comme Stock, Flammarion ou Albin Michel et des nouveaux avec Actes Sud, l'Olivier, Zulma, Sabine Wespieser ou Héloïse d'Ormesson. La rentrée littéraire 2009 sera, à ce titre, pleine d'enseignements sur la composition du paysage éditorial français.

(1)

2008 avec Singué Sabour Atiq Rahimi, éd. P.O.L.. (filiale à 100% de Gallimard).
2007 avec Alabama Song Gilles Leroy, éd. Mercure de France (filiale à 100% de Gallimard)
2006 avec Les Bienveillantes Jonathan Littlle, éd. Gallimard.

(2)
2008 avec J.M.G. Le Clézio (France)
2006 avec Orhan Pamuk (Turquie)
2005 avec Harold Pinter (Grande-Bretagne).

Article publié le 27 avril 2009.