Stoner.jpgCette publication représente deux rêves américains. Le premier est celui du fils d’un fermier analphabète devenu professeur titulaire de l’université du Missouri. L’autre, la publication tardive d’un roman brillant, dense et mélancolique mais qui résonnera longtemps en vous après sa lecture.

John Williams est donc ce fils de fermier devenu professeur à l’université. Son roman Stoner, qui reprend sans aucun doute de nombreux épisodes de la vie de l’auteur, décrit avec une pudeur extrême les abandons et les renoncements successifs d’un homme agrippé à ses acquis, à ses idéaux universitaires et maritaux. Non pas par lâcheté mais par peur de l’avenir, ainsi il ne souhaite pas affronter la mort sur les champs de batailles de la première guerre mondiale car il trouve la guerre absurde ou encore son épouse dans l’éducation de sa fille car il a fait un mariage inespéré pour un fils de fermier comme lui.

Par peur du passé aussi afin de s’éloigner le plus possible de son enfance misérable et de cette terre ingrate qui n’a jamais rien offert à ses parents que de la pauvreté.

Stoner se réfugie dans les livres, depuis ses premiers pas à l'université, il se réfugiera toujours dans les livres, d’agronomie d'abord, puis de philosophie et de théâtre et enfin dans des textes latins ou grecs qu’il mettra trente ans à enseigner avec passion.
Stoner raisonne d’autant plus aujourd’hui que les livres, les savoirs et la sagesse qu’ils offrent sont dénigrés, méprisés voire ignorés. Une peur de l’avenir qui raisonne d’autant plus aujourd’hui que les petits chefs incompétents à la mentalité d’adjudant qui persécuteront Stoner tout au long de sa vie dans son parcours professionnel et dans sa vie privé – au point de lui faire perdre la seule femme qu’il ait jamais aimée et sa fille qui se noiera dans l’alcool - ressemblent aux mêmes petits chefs aboyeurs qui persécutent nombres d’employés au XXIe siècle. John Williams s’est-il battu pour imposer son roman ? Sans doute pas, mais la postérité et une traduction inspirée le feront à sa place.

Stoner
John Williams
Le Dilettante
Traduction de Anna Gavalda
Août 2011
Article publié le 16 septembre 2011.