Logo_blanc.jpgDébut novembre, Télérama (1) proposait un dossier sur les libraires en voie de disparition voire un avis de décès ou presque de la librairie traditionnelle en France. Le verdict est sans appel, et Télérama enfonce toutes les portes ouvertes disponibles :

Coupables la FNAC, Leclerc, et Cultura d’avoir vidé les librairies de leurs clients;
Coupables les hausses de loyers vertigineuses dans les librairies de quartier;
Coupables les multinationales américaines comme Amazon et Apple.

Malheureusement, à ce tableau, il manquait un chapitre sur … les libraires. Innocent, les petits libraires de tous leurs malheurs ?

Innocent le libraire du coin d’avoir fait de son échoppe un temple du Savoir inaccessible au commun des mortels et méprisé toute culture populaire ? Ils ont considéré trop longtemps que rentrer dans leurs échoppes était comme entrer dans une église. Les comportements trop bruyants, les enfants qui s’agitent étaient réprimandés d’un ostentatoire « chuuuuut » !

Innocent le libraire d’avoir regardé la société évoluer depuis trente ans, en ignorant les nouveaux comportements de consommations du centre-ville à la banlieue ? D’ignorer l’informatique dans les années 80 et Internet dans les années 90 ?

Innocent le libraire du coin de payer au Smic -ou à peine plus- des libraires compétents, cultivés et expérimentés qui ne comptent pas leurs heures pour faire partager leur passion ?

Innocent le libraire du coin qui embauche de jeunes « vendeurs » sans aucune culture générale ni curiosité pour l’histoire du livre ? Enfin, la baisse consternante de la culture générale du vendeur qui préfère vendre à tout prix plutôt que d’écouter son client - ce pour quoi le client se déplace dans une librairie physique - qui y réfléchira à deux fois avant de retourner dans une librairie physique et prendra ses responsabilités en achetant par lui-même sur Internet, fut-ce sur le site Internet de la même librairie. Au moins, pas de vendeur ventouse à l’horizon !

Innocent le libraire du coin de mépriser les gros vendeurs comme Marc Lévy, Anna Gavalda ou Katherine Pancol qui, en plus d’apprécier les libraires, remplissent la caisse et permettent ainsi de payer les factures, les salaires et surtout d’acheter en quantité un auteur inconnu, un éditeur inconnu pour le conseiller sur le long terme ?

Innocent le libraire du coin d’accuser les clients, dans une affiche douteuse, de ne plus faire l’effort de rentrer dans les échoppes de vendeur de merveilles ?

À force de culpabiliser les lecteurs, le libraire du coin les a envoyé d’abord à la FNAC puis dans les grandes surfaces et enfin sur Internet – chez Amazon et Apple notamment- ou personne ne les juge puisqu’il n’y a pas de personnel pour les juger. Seul le chiffre d’affaire compte dans ces lieux de commerce.

Fort heureusement pour le lecteur du coin, une nouvelle génération de libraires est en train d’arriver. Elle sait lire et compter, elle est plus en phase avec la société, plus concrète, plus pragmatique sur la relation client, le chiffre d'affaire, l’argent ou les remises. Connectée à Internet et aux réseaux sociaux.
Cher Télérama, chère Christine Ferniot, rien n’est perdu. Bien au contraire. Mais les libraires doivent d’abord balayer devant leur porte et mettre toutes les chances de leurs côtés pour faire plaisir à leurs lecteurs et gagner de l’argent avant d’accuser des sociétés étrangères et de culpabiliser les clients de tous leurs maux.

(1) Télérama n°3225 du 5 au 11 novembre 2011.

Article publié le 17 novembre 2011.