Littérature européenne

Les incommensurables

RENTRÉE 2025 31 juillet 1914, Vienne, capitale de l'Empire Austro-Hongrois bouillonne de vie, de culture, de musique. Elle est irriguée par tous ses peuples - Autrichiens, Hongrois, Souabes, Tyroliens, Serbes, Croates, Tchèques, Ukrainiens, Slovènes, Roumains, etc. - une ville où les arts et la musique, la philosophie, la psychanalyse bousculent les hommes comme les femmes, dans la rue comme à l'université. Mais Vienne est suspendue à la fin de l'ultimatum allemand.

Un temps suspendu pendant lequel que Hans, jeune paysan tyrolien tout juste arrivé à Vienne, Adam comte Jesenky de Kezmarok, héritier d'une famille aristocratique au service de l'Empire depuis des générations et Klara, jeune femme brillante, en passe de présenter son doctorat en mathématique, vont vivre ces dernières heures avant la déflagration : la guerre arrive. Adam partira à la guerre pour obéir à son père et respecter une tradition familiale alors qu'il préfère la musique et son violon ; Klara, pétrie d'idéaux socialistes, d'égalité et et de générosité, de psychanalyse, veut renverser la table pour un monde meilleur, pour tous, hommes, femmes, enfants. Quant à Hans, il hésite entre les deux mondes, l'ancien, militaire, riche, fait d'ordre et de conventions surannées et la promesse d'un nouveau, socialiste, qui veut tant donner aux hommes comme aux femmes de liberté, de penser, d'écrire, d'enseigner, d'étudier à l'université, de travailler et de pouvoir nourrir sa famille correctement, de la loger correctement. Et il y a toutes ces nouvelles idées : la psychanalyse, l'étude des rêves qui font penser que "l'ancien monde doit laisser la place à un nouveau" dit Adam le jeune aristocrate désabusé, déjà mort.

Le dîner chez le baron Jesenky est une merveille du détachement des élites de l'Empire avec les jeunes gens mais aussi sur la tenue de la guerre. "Le Monde d'hier" comme écrira Stefan Zweig se met en ordre de marche vers son auto-destruction. "Les incommensurables" est un roman qui se lit au bord de la falaise, dans l'ivresse d'un monde qui bouge encore, dans la peur de la mort, l'aube qui pointe signera la mort pour beaucoup, la fin des illusions pour les autres, dans quatre ans, l'Empire aura disparu.

Les Incommensurables
Raphaela Edelbauer
Métailié
Traduit de l'Allemand (Autriche) par Carole Fily
336p. 23€
Septembre 2025


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