Dobbs.jpgDOBBS est le scénariste audacieux de la confrontation entre Hyde et Frankenstein qu'il publie aux éditions Soleil avec trois autres auteurs. Dans l'interview qu'il nous a accordé, il nous éclaire sur sa fascination pour ces deux personnages mythiques - et leurs créateurs Stevenson et Shelley!- et pour le monde fantastique de la littérature du XIXe siècle. Quant aux technologies numériques du XXIe siècle, DOBBS a aussi son mot à dire.

LaLettredulibraire.com : Étiez-vous fan de Stevenson et Shelley avant d'entreprendre ce projet?__
DOBBS : Oui, absolument. Et je relis ces auteurs (ainsi que d’autres) assez régulièrement depuis 15-20 ans… J’ai toujours adoré la construction narrative de « l’Etrange cas », ainsi que les différentes descriptions et voyages détaillés au sein du « Prométhée moderne » de Shelley…

La Lettre : Qui a eu l'idée de cette "confrontation" entre Hyde et Frankenstein ?
DOBBS : Jean-Luc Istin, directeur et créateur de la collection 1800 chez Soleil, et moi avions eu plusieurs échanges sur quelques pistes littéraires du 19eme siècle pour de nouveaux projets. Il m'a proposé plusieurs titres possibles dont un «Frankenstein vs Hyde » (la collection se nommait alors « Versus ») : j'ai mis une option dessus, cela faisait longtemps justement que je voulais écrire là-dessus, et il m'a demandé de la développer en diptyque et d'y mettre mon grain de sel. On voulait tous les deux une ambiance l'ancienne, entre Stoker et Lovecraft, tout en se ménageant de gros effets cinématographiques : un sacré mélange en théorie. Il ne restait donc qu'à mettre tout ça en forme en liant les deux narrations, avec d'autres points de repère de l'histoire (avec un grand « H » cette fois).

La Lettre : N'est-ce pas vertigineux de travailler sur deux légendes de l'imaginaire du XIXe siècle comme Hyde et Frankenstein?
Frankenstein-Hyde1NF.indd DOBBS : Il fallait dépasser cet attrait personnel pour ces histoires gothiques et fantastiques pour en faire autre chose, et donc avoir une méthode d’écriture très rigoureuse pour ne pas se perdre et se faire absorber par le matériel original. Ne faire que de l’adaptation, de la paraphrase ou du plagiat ne m’intéressait pas du tout. Je voulais juste contribuer à ma façon à ces deux univers que j’aime et que je respecte énormément.


La Lettre : La lecture de ces deux chefs-d'oeuvre est-elle indispensable pour prendre un maximum de plaisir à la lecture de Mister Hyde contre Frankenstein ?
DOBBS : La lecture de ce diptyque n’est pas réservée à ceux qui connaissent les œuvres de départ. Il y a ici plusieurs niveaux de lecture qui correspondent à la grille fantastique, historique, littéraire, inter-textuelle et symbolique. On peut prendre part à l’aventure sans connaître ces deux romans, mais ceux qui connaissent le 19eme, son histoire et les romantiques/gothiques auront une autre vision des choses, voilà tout.

La Lettre : Est-ce facile de travailler à quatre sur une BD?
DOBBS : Et plus même ! Surtout s’il on parle d’une œuvre quasi schizophrénique avec l’ombre de Shelley et de Stevenson planant au dessus de nous… J’ai dû centraliser beaucoup d’éléments après l’écriture, car il a fallu passer par un agent/traducteur (Antonio est italien), pour la base de la collaboration, puis échanger régulièrement pour la composition des pages. Si l’on rajoute le travail de suivi avec la coloriste et le briefing de l’illustrateur de couverture, ça fait au final pas mal de contributions à la série… Un travail multiple sur la multitude, un travail d’organisation du chaos en somme…

La Lettre : Le tome 2 proposera-t-il une fin inédite à ces deux géants?
DOBBS : Inédite certes, et ce à « double sens » je dirai pour jouer sur les mots…

La Lettre : La BD numérique est-elle une ennemie et peut-elle supplanter la BD papier?
DOBBS : Les médias numériques sont ou deviendront incontournables, il suffit juste de s’y préparer pour ne pas subir… Emotionnellement, je ne pense pas que la BD numérique puisse dépasser la version papier. On ne peut remplacer l’objet, le contact, ce relationnel si particulier et charnel. De plus, il y a encore des limites techniques et visuelles à un confort d’utilisation, à l’approche de la lecture de la double page etc… Mais tout ceci n’est peut être qu’une question de temps et de génération.

La Lettre : Mister Hyde Contre Frankenstein sera-t-il téléchargeable sur l'Ipad qui sort fin mai ?
DOBBS : Il n’est pas dit qu’en mai nous ayons en France un stock de vente suffisant puisque les réserves de Ipad ont apparemment été remis à disposition pour le marché américain devant l’engouement général pour l’appareil. Quant à savoir si Mister Hyde contre Frankenstein sera disponible sur ce nouveau type de technologie, je n’en sais rien. Soleil est un éditeur qui a déjà avancé ses pions dans le domaine du numérique, il devrait donc y avoir une implication logique sur ce nouveau support.

La Lettre : Le tome 2 de Mister Hyde contre Frankenstein sort à l'automne, quels sont vos autres projets à moyen terme ?
DOBBS : En ce qui concerne la collection 1800, j’ai deux autres projets dont les tomes 1 sortiront à l’automne et à l’hiver prochain : il s’agira de l’adaptation du roman aventureux des « Mines du roi Salomon » de sir Henry Rider Haggard, ainsi que d’une version très personnelle de la tragédie de fort « Alamo », épisode sanglant de l’indépendance du Texas. D’autres projets sont par ailleurs en cours d’écriture, pour Soleil entre autres.

La Lettre : Une BD qui vous tient à cœur à conseiller à nos lecteurs ?
DOBBS : Sans réfléchir longtemps : le tome 1 de Blacksad « Quelque part entre les ombres » (1), mais aussi « La nouvelle frontière »(2) de Darwyn Cooke, et puis bien sûr « V pour Vendetta »(3) et « Watchmen »(4) de Alan Moore… Ce sont des œuvres très riches visuellement, narrativement et symboliquement. Un bonheur de lecture et de relectures, mais ceci n’engage que moi bien sûr.

Remerciements : Dobbs, Éditions Soleil, Aline.

(1) éd. Dargaud.
(2) éd. Panini.
(3) éd. Marvel Panini.
(4) éd. Marvel Panini.

Propos recueillis le 18 avril 2010.