RENTRÉE 2025 Katriona O'Sullivan raconte son enfance - une enfance épouvantable - sans pathos ni chercher à faire pleurer. Éprouvant et beau à la fois.
Née dans un quartier misérable de Coventry, en Angleterre, avec un père alcoolique, fumeur invétéré et héroïnomane, lui-même victime de sévices dans son enfance dans le tristement célèbre orphelinat Goldenbridge de Dublin et d'une mère alcoolique et droguée, tous les deux incapables de s'occuper de leurs enfants, Katriona O'Sullivan a grandi dans un chaos perpétuel.
Katriona est violée à l'âge de sept ans par "Oncle Bob" un ami de son père (qui est en prison à ce moment là) mais ça n'intéresse absolument pas sa mère. Par contre si la jeune Katriona peut cacher de la coke dans sa culotte pour l'apporter à son père en prison, ça l'intéresse. Elle est placée à l'âge de 8ans car sa mère avait été dénoncée par un voisin (elle laissait ses enfants seuls), elle rejoindra à l'âge de 15ans un établissement pour jeunes filles enceintes après que ses parents l'aient mise à la porte. Donc, elle arrête le collège, plonge dans l'alcool et la drogue, et est de nouveau violée à l'âge de 16ans. Son déménagement à Dublin, avec ses parents et son fils James, est pour elle une promesse de résurrection qu'elle enterre immédiatement en plongeant de nouveau dans l'alcool et la drogue. À 22ans, elle est en cure de désintoxication.
Dans ce tableau à la Bruegel, il y a eu des lumières, plusieurs étoiles qui ont aidé Katriona : une enseignante en primaire (qui avait tout compris de la misère dans laquelle elle vivait) qui lui donnait toute les semaines sept culottes propres et lui a appris à se laver ; un professeur d'Anglais au collège, qui avait saisi l'acuité de son intelligence, et la motivait pour lire de nombreux textes, les comprendre et les analyser ; enfin, une des responsables du programme "pour les filles comme elle" (c'est-à-dire pauvres et fille-mères) de la prestigieuse université Trinity College de Dublin, qui est venue la tirer du lit pour passer ses examens, examens qu'elle a brillamment réussi.
Pourquoi avoir choisi "`Pauvre" comme titre ? Un titre négatif, blessant, humiliant, qui ramène Katrinona O'Sullivan, à son enfance, lorsqu'elle sauve son père d'une overdose à l'âge de six ans par exemple ? Si on ne lit que ses initiales, KO'S, on comprend mieux pourquoi. Katriona O'Sullivan a survécu à tellement de KO, de chaos, qu'elle a réussi là où tous - famille, amis, relations, elle-même - la voyait échouer. Une pauvreté à laquelle elle sera toujours rattachée, dans son corps dans son esprit, dans sa façon de s'habiller - non, elle n'est pas femme de ménage à Trinity College - elle en est sortie diplômée docteur en psychologie, matière qu'elle enseigne aujourd'hui à Trinity College.
Pauvre est un autoportrait sans concession ainsi qu'un portait implacable d'une société irlandaise où la potion christianisme + libéralisme détruit chaque jour la vie de nombreuses jeunes filles pauvres. Pauvre est une fantastique leçon d'énergie, de volonté et d'amour.
Pauvre
Katriona O'Sullivan
Sabine Wespieser
Traduit de l’anglais (Irlande) par Simon Baril
Titre original : Poor
272 p., 23 €.
11 septembre 2025
Publié le 18 septembre 2025