Rues_secretes.jpgPierre Mac Orlan a une tendresse particulière pour les bordels, les quartiers réservés comme on disait dans les années trente. C’est en anthropologue attendri mais averti qu'il nous guide dans ces lieux de plaisirs, de Casablanca à Berlin en passant par Tunis et Marseille.
C'est dans une langue paresseuse et chaude qu'il nous fait partager tout ces plaisirs. Mac Orlan est fasciné par cette galerie de personnages qui illuminent de leur humanité ces quartiers souvent sordides. Même s’il n’est pas dupe des manoeuvres et des mafias napolitaines dans ce qui reste un commerce de la chair proposé aux légionnaires ou aux commerçants de passage, Mac Orlan y passerait volontiers toutes ses journées à observer –seulement ? – ces très jeunes femmes aux irrésistibles charmes, perfectionnées dans toutes les caresses. Ces filles de la douleur qui ne rêvent que d’une chose : refaire leur vie en épousant le premier client qui leur proposera l’alliance pour devenir une épouse d’une vie et non plus d’une nuit en effet il est rare, dans le quartier de la joie, que les aventures se terminent en comédie.
Avec une prémonition incroyable, Mac Orlan devine déjà, effrayé, notre Disneyland à nous: nous nous acheminons à grands pas vers un pittoresque d’hôpital, vers un plaisir aseptisé et fade comme de l’eau bouillie. Dans quelques années, les maisons closes ressembleront à des cliniques ripolinées, munies d’autoclaves, ou le client séjournera quelques minutes, le temps de devenir pur, chimiquement pur. Il faudra aller chez le pharmacien pour faire l’amour. C'est certain, Pierre Mac Orlan aurait détesté notre époque.

Rues secrètes
Pierre Mac Orlan
Arléa, 2009.
170p. 8e.

Article publié le 22 octobre 2009.