des_hommes.jpgLalettredulibraire.com : Pourquoi avoir choisi de traiter la guerre d’Algérie, à hauteur d’homme, à hauteur de simple soldat? :
Laurent Mauvignier : Déjà il n’y a pas beaucoup de livres qui traitent de la guerre d’Algérie du point de vue français et du point de vue des appelés. Ensuite parce que c’est ce qui été au départ la motivation du livre. Mon père et mes oncles ont été appelé en Algérie, c’est donc quelque chose que je connaissais et qui me troublait. Ils étaient très proches de ça , ils faisaient des banquets commémoratifs et en même temps ils n’en parlaient pas du tout. Et puis il y avait toute une série de photographies que mon père avait ramené de ses 28 mois là-bas donc pour moi c’était important de le faire de ce point de vue là, je ne voulais pas avoir un regard d’historien.



Lalettre : Est-il aisé de trouver la bonne distance pour traiter la guerre d’Algérie en littérature. C’est dans l’histoire tout en étant furieusement d’actualité ?

L.M. : Non, c’est très compliqué et cela explique peut être le peu de fictions autour de ce sujet. Moi, j’ai plutôt fait un livre sur la mémoire et comment le passé ne passe pas. Comment vit-on avec un certain nombre de traumatismes ? Comment vit-on avec le silence ? Et c’est très difficile de trouver un point de vue car on compare souvent la guerre d’Algérie aux deux guerres mondiales alors que c’est une guerre très moderne qui ressemble plus à ce qui se passe en Irak qu’à une guerre de tranchées. Mais en même temps c’est une guerre qui sonne la fin de la colonisation et donc qui a quelque chose à voir avec le XIXème siècle. C’est une guerre tiraillée entre deux époques et qui est très complexe à appréhender. On ne peut pas être manichéen avec la guerre d’Algérie.



Lalettre : Vous défendez actuellement vos écrits lors de nombreuses rencontres en librairie. Un exercice que vous maitrisez bien, « Des hommes » suscite t’il des réactions différentes ?

L.M. : Au début je me demandais vraiment ce qu’il allait se passer. Aujourd’hui je suis troublé car près de 50 ans après la fin de ce conflit je trouve que c’est encore très vif, très intense dans la vie des gens, et pas seulement dans celle de ceux qui ont connus la guerre d’Algérie. D’habitude quand j’enchaine les rencontres les mêmes questions finissent toujours par revenir. Et bien pas pour ce livre. C’est chaque jour différent et singulier et donc très fort.

Des hommes
Laurent Mauvignier
Éditions de Minuit
Rentrée 2009

Propos recueillis le 17 novembre 2009
Remerciements : Laurent Mauvignier, éditions de Minuit, Laure Defiolle.