La roue du temps est implacable, Albert Camus, tué dans un accident de voiture en 1960, ne verra jamais la fin de la guerre d'Algérie.
Descendant d'une famille de métropole implantée dans le département d'Alger depuis des décennies, Albert Camus (1913-1960) a vécu les "évènements" en Algérie au plus profond de sa chaire et de son esprit. Pour autant, les choses sont claires pour lui : c'est la France, et un million de français implantés en Algérie, qui a construit les ponts, les routes, les ports, les hôpitaux, les écoles, etc. Néanmoins, il est sensible à l'injustice qui est faite aux Arabes, leurs enfants sont souvent pauvres et dénudés et il l'exprime clairement dans ses articles sur la Kabylie en 1939. Il faut améliorer les choses, il ne cessera de le répéter.
Chaque chapitre correspond à une année de conflit pendant lequel Albert Camus doit concilier les noces de la mer et de la lumière, son amour pour Francine (son épouse) et la passion qu'il entretien avec la cantatrice Maria Casarèse ; concilier ses voyages, ses écrits, ses récompenses (le prix Nobel lui sera attribué en 1957) avec sa ville - Alger - où habite toujours sa mère ; concilier sa santé fragile avec ses agendas surchargés, il doit affronter les intellectuels de Saint-Germain-des-Prés - Sartre en tête - trop heureux de tirer à boulet rouge sur l'enfant pauvre des faubourgs d'Alger.
Enfin, comprendre que l'inéluctable va arriver : l'indépendance de l'Algérie, lorsque le général de Gaulle annonce un référendum sur le sujet le 16 septembre 1959. Camus est contre cette indépendance car il n'y a pas d'antériorité. En privé, il affirme "l'indépendance de l'Algérie est une hérésie car, en un demi-siècle, elle se retrouverait dans l'état ou la France la découverte en 1830".
Prophétique... Tant les algériens ont été privé de tout depuis soixante ans : de liberté, de démocratie, de l'argent du pétrole mais pas d'une propagande permanente accusant la France et les français de tout et n'importe quoi (relayée en cela par la même gauche bien pensante à Paris...) mais aussi de l'histoire de la guerre d'Algérie et des massacres perpétués par le FLN.
Essayer de comprendre, aussi, comment tant d'algériens veulent venir vivre, étudier, travailler en France car rien ne les retient dans leur pays (sans parler des dirigeants qui viennent s'y faire soigner...). L'ancienne puissance colonisatrice est finalement moins démoniaque que ne l'affirme le pourvoir algérien...
Quant à Camus, géant des lettres dans le monde entier, le malentendu persiste. Il est toujours persona non grata dans "son" pays même si les grands écrivains algériens actuels - Boualem Sansal, Yasmina Khadra, Kamel Daoud - font tout pour qu'il retrouve sa place dans le cœur et l'esprit des algériens. Hélas, le pouvoir algérien d'un côté s'y oppose et des Présidents français (Hollande et Macron) piétinent régulièrement l'Histoire de France d'Algérie... Tout reste à faire...
Albert Camus et la guerre d'Algérie, histoire d'un malentendu
Alain Vircondelet
Édition du Rocher
304p., 19,90€
Février 2022