Avant elle.jpgCarmen est alcoolique, dépressive et la mort de son père, réfugié politique argentin en France, n'a rien arrangé. Au bord du gouffre dans sa vie sociale et sentimentale - le divorce n'est pas loin, elle se comporte comme si sa fille n'existait pas et la bouteille de vodka est sa meilleure amie - son père lui ouvre un précipice, un abîme d'inconnues lorsqu'elle découvre ses archives et son journal qu'il a tenu, en français, de 1936 à quelques jours de sa mort en 2015.

Ne pas les ouvrir, c'est refuser les clés à toutes les questions qu'elle se pose sur son père, sa mère, l'Argentine de la dictature des colonels et enfin découvrir la vérité sur ce qu'il lui a arrivé en 1977 à Buenos Aires et qui a provoqué son départ et celui de sa femme en France. Les ouvrir, c'est affronter les fantômes du passé et donc ceux de la dictature. Carmen se jette dans ce précipice et découvre un père et une mère dont elle ignorait tout.

Johanna Krawczyk tisse parfaitement les files de la torture mentale subie par Carmen, files de l'histoire argentine, des disparus, des réfugiés ou encore des familles recomposées avec des enfants volés aux femmes enceintes torturées (mais pas trop pour garder le bébé en forme). Étranglée par ce destin qu'elle n'a jamais connu, Carmen ira au bout de sa lecture quitte à tout perdre, son mari, sa fille et sa santé mentale. Un roman glaçant à lire d'une traite.

Avant elle
Johanna Krawczyk
Héloïse d'Ormesson
160p., 16€
Janvier 2021