Perfidia couv.jpegLire Ellroy est une épreuve physique. On lit un chapitre, dix chapitres, on est pris par le rythme - BING, BING, BING - on se promet de s'arrêter au prochain chapitre - pour manger, dormir - et on l'entame comme si c'était le premier. On aime être en apnée, à lire plus vite que nos yeux ne peuvent nous le permettre, les pages, les 120 chapitres, les 835 pages. Le charme vénéneux opère toujours. Le Dog s'est assagi et en même temps le rythme de son nouveau roman est hallucinant. On retrouve les même personnages corrompus et dépravés, qu'ils soient hommes ou femmes, blancs, noirs, jaunes ou juifs, protestants ou catholiques.

Du meurtre local dans la trilogie Lloyd Hopkins (Lune sanglante, À cause de la nuit, La Colline aux suicidés) et dans la tétralogie du Dahlia noir (Dahlia noir, L.A. Confidential, Le Grand Nulle part, White Jazz), Ellroy est passé aux soubresauts de la politique nationale américaine (American tabloïd, American Death Trip, Underworld USA). Aujourd'hui, il s'attaque à la Seconde Guerre mondiale. Perfidia est le premier tome du second quatuor de Los Angeles. Il précède chronologiquement le quatuor du Dahlia Noir (situé entre 1946 et 1958) et commence quelques heures avant le bombardement de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. Los Angeles comme épicentre du mal, la guerre et l'internement de dizaines de milliers de japonais comme prétexte, la confiscation de leurs biens personnels et industriels comme objectifs. Au milieu, quatre cadavres japonais retrouvés éventrés dans la nuit de Pearl Harbor. À qui profite le crime ? Aux Américains, aux Japonais, aux Chinois, à la police ?

Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins : CHANTAGE, ALCOOL, BENZÉDRINE, VIOLENCE, RACISME, SEXE, CORRUPTION, RÉDEMPTION, OPPORTUNISME, CAPITALISME.

Perfidia est du pur Ellroy, on est dévoré par le rythme et le style. Les personnages : Dudley Smith en flic machiavélique, William H. Parker en flic rédempteur torturé, Hideo Ashida en criminologue brillant du LAPD que les flics Parker et Smith se disputent. Il est japonais avant Pearl Harbor, il est Jap' après Pearl Harbor. Les femmes ont plus d'importance que dans ses romans précédents : Kay Lake la furie rouge, Claire de Haven en pasionaria du socialisme et Bette Davis en Bette Davis. Elles manipulent les hommes comme personne et provoquent des catastrophes irrattrapables.
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Avec Perfidia, James Ellroy nous offre le premier acte grandiose d'un opéra noir.

Perfidia
James Ellroy
Rivages
Rivages Thriller
835p. 24€
6 mai 2015

Article publié le 4 mai 2015