logo.gifSouvenez-vous, c'était l'année dernière. Le Salon du livre 2009 se déroulait dans une ambiance euphorique. Les auteurs mexicains dédicaçaient leurs livres par milliers, les organisateurs comptaient leurs visiteurs par centaines de milliers et les heureux éditeurs comptaient leur chiffre d'affaire chaque soir en n'en croyant pas leurs yeux. Le tout au milieu de la pire crise économique et financière que la France ait connue depuis 1945. C'était une autre époque. Car le livre a depuis été rattrapé par la crise puisque la bulle a explosé en cours d'année. Chiffre d'affaire en berne, licenciements chez les diffuseurs et les éditeurs, réduction des publications ou abandon de projets.

Le Salon 2010 s'ouvre le 26 mars prochain dans cette atmosphère d'incertitude voire d'inquiétude. En effet, tous les voyants sont au rouge sauf dans deux domaines : la vente du livre par Internet et le livre numérique. D'abord, les français ont acheté encore plus de livres sur Internet en 2009 qu'en 2008, quant au livre électronique et ses supports - l'iPad d'Apple, le Kindle d'Amazon, le Reader Touch Edition de Sony, etc. - ils sont l'objet d'une âpre bataille. Cette bataille, purement commerciale et financière, concerne essentiellement le contrôle des droits de diffusion des œuvres et le fléchissement de la TVA de 19,6% (TVA sur un produit électronique) à 5,5% (TVA du livre).

D'autant plus que les acteurs ont les moyens de leurs ambitions : Google, Apple et Amazon côté américain, Gallimard et La Martinière côté français notamment. Et tous les coups sont permis, tous les lobbying exécutés auprès des tribunaux ou des gouvernements de chaque pays. On notera, au milieu du champs de bataille, l'absence de l'État français. Est-ce si étonnant ? En effet, en 2009 - l'année même du cinquantenaire du ministère de la Culture - la direction générale du Livre a été supprimée. Sans commentaire.

Le livre électronique va être massivement proposé aux consommateurs, via Internet ou les portables - au Japon, on publie déjà des romans uniquement pour portables - et les librairies traditionnelles se verront offrir des conditions commerciales alléchantes pour vendre ce nouveau produit. Les libraires ne vendent-ils pas déjà de la papeterie, des coffrets vacances, des revues, des stylos, des CD. Alors, pourquoi pas des DAB autrement dit des Distributeurs Automatiques de Bouquins qui proposeraient 24/24 des fichiers JPG des derniers romans parus ?

Si l'offre est impressionnante - il n'y a qu'à penser à tous les titres dont les droits sont tombés dans le domaine public- les lecteurs vont-ils suivre ? Accepteront-ils une fois de plus un produit de moindre qualité sous prétexte qu'il est vendu à un moindre coût ? Peu de produits ont résisté à cette logique. Le succès du livre électronique semble donc écrit.

Et le livre papier dans tout ça ? Deviendra-t-il un objet de luxe ou corporate ? Si les publications techniques et les romans populaires basculent vers le numérique que reste-t-il à part les livres d'art, les Pléiades ou les éditions exceptionnelles comme celle de l'Œuvre d'Yves Saint Laurent par Pierre Bergé qui sort début mars ?

La grande bataille des chiffre et des lettres ne fait que commencer. Qui des éditeurs ou des comptables l'emportera ? Le Salon du Livre 2010 sera plein d'enseignements à cet égard.

Édito publié le 1er mars 2010.