Journal de guerre de Paul Morand 1943 - 1945.jpgRENTRÉE 2023 Été 1943, Paul Morand a compris que la guerre est perdue pour lui, Vichy et l'Allemagne. Bien que nommé ambassadeur en Roumanie à l'été 43 puis Ministre plénipotentiaire à Berne en juillet 44, il regarde désormais la guerre de loin, c'est-à-dire à l'abri des frontières suisses... Aigre et sans remord, ni doute, il est certain d'avoir toujours choisi le bon camps, celui de Hitler et de la haine des juifs. Jamais, il ne se reniera.

Ce second tome de son journal de guerre est presque triste, les portraits ciselés du premier tome ont disparu, sa haine des juifs non car il y a toujours un complot juif contre lui ou la France. Il parle aux chats, pense moins à l'Académie française.
Son départ pour Berne est source d'inquiétude, le visa allemand se fait attendre, une fois obtenu, il le cache entre les deux rubans de sa bretelle, car s'il reste en France il est mort, en Suisse il pourra vivre. Il cherche une maison, coupe du bois et compte les années d'exil à vivre en Suisse loin de ses maisons, de ses livres et de l'Académie française où les élections ont repris à l'automne 1944.

Pas un mot sur le Débarquement, il cherche plutôt un avocat et fait la liste des juifs qu'il aurait aidé (en fait sa femme...), la liste des biens que l'on pourrait lui confisquer, se cherche quelques excuses "deux routes sur trois étaient bonnes, j'ai pris la troisième". Il s'interroge aussi sur le nouveau pouvoir en France, sa présence sur la liste des écrivains mis à l'index (son nom est dessus puis en disparait), s'étonne que ce pouvoir ne cherche pas "les vrais collaborationnistes" (sic !) et pousse même la mauvaise foi à s'interroger :

"avant d'accuser les gens de collaboration, il faudrait juridiquement définir le mot. On le laisse exprès vague, flottant, pour qu'il puisse être passé comme un lacet autour du cou des accusés".

Le Maréchal est jugé et condamné à mort (il sera gracié par de Gaulle), Laval est jugé et condamné (il sera fusillé le 15 octobre 1945), Paul Morand qui l'admirait, brosse du "Président" un portait élogieux de trois pages, quelque jours après son exécution. La fin de la guerre n'est pour lui qu'une longue séance de lecture - des classiques principalement - et de bains de soleil pris nu dans son jardin. Désinvolte jusqu'au bout, jusqu'à la nausée pour le lecteur...

Journal de guerre. Roumanie, France, Suisse (1943-1945)
Paul Morand
Gallimard
Collection Les Cahiers de la NRF
Édition de Bénédicte Vergez-Chaignon
1056p., 35€
Novembre 2023

Premier tome
Journal de guerre. Londres - Paris - Vichy (1939-1943)
Paul Morand
Gallimard
2020